Publié le 24 juillet 2023 Mis à jour le 12 juillet 2024

La résistance bactérienne aux antibiotiques est un phénomène naturel, ayant probablement toujours existé. Mais l’usage abusif d’antibiotiques, en agriculture et en médecine, a contribué à la prolifération de souches résistantes et à leur dissémination dans l’environnement. Des chercheurs et chercheuses de l’Université Laval et de l’Université Clermont Auvergne ont découvert que des gènes de résistance aux antibiotiques*, d’origine bactérienne, étaient présents jusque dans les nuages.

La résistance bactérienne aux antibiotiques est un phénomène naturel, ayant probablement toujours existé. Mais l’usage abusif d’antibiotiques, en agriculture et en médecine, a contribué à la prolifération de souches résistantes et à leur dissémination dans l’environnement. Des chercheurs et chercheuses de l’Université Laval et de l’Université Clermont Auvergne ont découvert que des gènes de résistance aux antibiotiques*, d’origine bactérienne, étaient présents jusque dans les nuages.  

Un aspirateur à nuages

C’est au sommet du puy de Dôme, à 1465 mètres d’altitude, que l’équipe a collecté 12 échantillons de nuages grâce à un “aspirateur” haut débit. Deux types de nuages ont été identifiés selon leur origine géographique : les nuages “marins” (venant de l’Océan Atlantique) et les nuages “continentaux” (qui ont passé plus de temps au-dessus des continents). Au total, les chercheurs ont détecté la présence de 29 gènes de résistances aux antibiotiques différents (sur 33 testés), et leur distribution varie selon le type de nuage. Ainsi, les nuages continentaux présentaient davantage de gènes de résistance à des antibiotiques utilisés en production animale (beta-lactamase et tetracyline par exemple). Dans les nuages marins, ce sont les gènes de résistance aux quinolones (retrouvés naturellement partout dans l’environnement) qui prédominent.  

Des gènes de résistance aux antibiotiques dans l'atmosphère

L’étude montre ainsi pour la première fois que les nuages transportent des gènes de résistance aux antibiotiques. Selon l’auteur principal Florent Rossi, “ ces gènes de résistance viennent de bactéries qui ont été émises dans l’atmosphère par le vent. A l’origine, elles sont présentes sur la terre ou à la surface des feuilles... Les sources sont multiples.”. En effet, les antibiotiques et les bactéries résistantes sont aujourd’hui retrouvés partout dans l’environnement : dans les eaux usées, les rivières, les mers et les sols. Ces bactéries pourraient parcourir de longues distances grâce aux nuages, mais leur devenir n’est pas connu. « J’aurai tendance à dire que le risque est négligeable pour la santé humaine, mais pour en être sûr, il faudrait faire d’autres études », explique Florent Rossi. « Concernant leur devenir dans l’environnement (c’est-à-dire la capacité à être capté par des bactéries présentes dans les écosystèmes, et se maintenir), nous ne savons pas encore ». 
L’équipe poursuit ses expériences en étudiant d’autres sources de transport des gènes de résistance. Après les nuages, ils vont échantillonner les aérosols (c'est-à-dire l’ensemble des particules en suspension dans l’air) présents au-dessus des océans.  
 
*Lorsque les bactéries deviennent insensibles aux antibiotiques, on parle de résistance aux antibiotiques. Celle-ci est liée à des modifications au niveau de l’ADN de la bactérie, qui peut résulter : soit de mutations (modifications de la séquence de l’ADN), soit de l’intégration de portions d’ADN qui confèrent une résistance à un ou plusieurs antibiotiques. On appelle ces fragments d’ADN des gènes de résistance. Ces gènes de résistance peuvent s’échanger entre bactéries. Ainsi, les bactéries peuvent transmettre à d’autres bactéries leur capacité à résister aux antibiotiques. 

 
Référence

Florent Rossi, Raphaëlle Péguilhan, Nathalie Turgeon, Marc Veillette, Jean-Luc Baray, Laurent Deguillaume, Pierre Amato et Caroline Duchaine, "Quantification of Antibiotic Resistance Genes (ARGs) in clouds at a mountain site (Puy de Dôme, Central France)", Science of The Total Environment, Volume 865, 20 mars 2023. Disponible en ligne : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969722083681?via%3Dihub